Face aux enjeux RH, économiques et énergétiques, le Groupe Ducerf engage des investissements record.
Avec une enveloppe de 4,7 millions d’euros engagés en 2022, le Groupe Ducerf signe une année record en matière d’investissements. Sur les rails ? L’acquisition d’une presse innovante et prometteuse, la modernisation des équipements avec en tête l’attractivité des postes de travail, ou encore la première production de bûchettes à destination du marché du bois énergie. Et ce n’est pas tout : pour répondre aux défis énergétiques, l’entreprise familiale mise notamment sur l’utilisation de sa biomasse pour produire de l’électricité. Jusqu’à 20 millions d’euros pourraient être encore investis d’ici à 2028.
Edouard Ducerf, PDG du Groupe Ducerf, Jean-Marie Ducerf, directeur industriel, et Thibault Chastagnier, Responsable du Pôle Seconde Transformation, reviennent sur ces orientations stratégiques majeures.
En quoi l’année 2022 a été singulière pour le Groupe Ducerf ?
Edouard Ducerf : L’an passé a été effectivement remarquable dans l’histoire du groupe. Tous sites confondus, nous avons engagé 4,7 millions d’euros d’investissements, une première pour notre entreprise familiale. Dans le détail, trois types d’investissements ont été engagés : ce qui relève de la remise à niveau de l’outil industriel, ce qui relève de la numérisation et des nouvelles technologies et enfin les investissements liés à l’attractivité et l’ergonomie des postes.
Comment expliquez-vous ces niveaux d’investissement record ?
Edouard Ducerf : Tout d’abord, nous avons été portés par une conjoncture favorable, avec un dynamisme commercial soutenu et des perspectives très positives à moyen terme. Ainsi notre chiffre d’affaires 2022 progresse de 5% porté entre autres par l’effet prix, ce qui nous a permis d’accélérer notre développement. On note également que les montants d’investissements initialement prévus ont été revus à la hausse à cause de l’inflation. Nous avons aussi lancé plus de projets, nous sommes sur plusieurs fronts !
« Se doter de nouvelles technologies au profit de la productivité, de la qualité de travail et de l’ergonomie des postes »
Concrètement, par quoi se matérialisent ces investissements ?
Edouard Ducerf : La mise à niveau de notre outil industriel est liée à la mécanisation et aux changements d’outils de transformation comme l’achat d’une moulurière ou bien le renouvellement de la montée de grumes par exemple. Il y a aussi des aménagements liés à la sécurité des sites. Il ne s’agit pas forcément de remplacement pur et simple. A chaque fois, nous en profitons pour nous doter de nouvelles technologies au profit de la productivité, de la qualité de travail et de l’ergonomie.
L’exemple le plus significatif est l’acquisition d’une nouvelle presse pour Les Bois Profilés, d’un montant de 1,7 millions d’euros, soit un tiers de nos investissements engagés l’an dernier. C’est une belle innovation à venir avec en ligne de mire la fabrication de nouveaux produits, pour élargir notre gamme !
Thibault Chastagnier : Cette presse est un investissement stratégique et unique. Beaucoup plus productive et contribuant à la réduction de la pénibilité pour nos opérateurs, elle permettra de fabriquer de nouveaux produits mais aussi de nouvelles variantes. Grâce à la co-construction de cet outil mené avec notre fournisseur allemand de machines (Weinig), nous allons pouvoir mieux nous adapter aux attentes du marché qui évolue. Notre outil de production doit être flexible et offrir plus de possibilités.
Aujourd’hui nous avons une ligne dédiée à chaque produit, désormais cette machine nous permettra de concevoir jusqu’à 3 produits : des panneaux lamellé-collé, des panneaux massifs ou encore du carrelet de menuiserie.
Enfin, cette machine-outil remarquable sera pré équipée d’un système permettant de faire du collage pour des applications structurelles, ce qui est, là encore, très innovant. Elle aura aussi pour vocation d’alimenter nos productions futures de panneaux CLT (Cross Laminated Timber) grâce à une capacité de collage en longueur de 6 mètres. Sa livraison est attendue en fin d’année, pour une mise en service début 2024.
Un grand coup d’accélérateur en faveur de la digitalisation des ateliers et des process de production est également donné…
Jean-Marie Ducerf : Exactement. Nous allons de plus en plus vers une industrie 4.0. Toutes les machines seront connectées et à terme, nous pourrons par exemple faire de la maintenance prédictive. C’est comme cela que nous pourrons changer un roulement avant qu’il ne casse, plutôt que d’attendre de voir l’outil de production immobilisé. Les liens avec la data et les systèmes d’information se renforcent. Demain, nos machines pourront communiquer directement avec notre logiciel ERP. Des bornes Wifi sont désormais installées sur l’ensemble du site. Avec Digibois par exemple, la scierie s’équipe de terminaux de saisie de production à chaque poste de travail. Maintenant, nos collaborateurs saisissent directement leur production alors qu’auparavant, tout se faisait d’abord sur papier. Cela concerne également tout ce qui est de l’ordre de la gestion des flux et de la gestion des stocks. C’est un vrai saut dans le numérique.
« Réduire la pénibilité de nos collaborateurs c’est essentiel »
Vous avez également un sujet concernant l’attractivité des postes, comment avancez-vous sur l’amélioration des conditions de travail ?
Edouard Ducerf : Réduire la pénibilité et améliorer le confort de nos collaborateurs c’est une priorité pour nous. Cela passe par de l’investissement dans de nouveaux équipements.
Jean-Marie Ducerf : De nombreuses actions ont été et seront réalisées en ce sens. Par exemple, un camion a été changé, nous remplaçons des chariots élévateurs thermiques par des des véhicules électriques plus ergonomiques. A la scierie, la question du port de charges est aussi prise en compte, avec des ventouses automatiques pour assister nos salariés, ou bien le déploiement de protections auditives adaptées pour chacun. Aussi tous les éclairages de l’atelier de production ont été changés par des LED, avec comme résultat une meilleure visibilité pour les opérateurs et une consommation électrique divisée par 3.
« La production de bûchettes pour le marché du bois énergie est attendue cette année »
Vous avez également identifié une opportunité de revalorisation de vos connexes vers le bois énergie. De quoi s’agit-il ?
Thibault Chastagnier : C’est en effet investissement qui a été acté pour notre site de Bourgogne Bois Industrie, avec l’acquisition d’une ligne de production de bûchettes compressées à destination du marché du bois énergie. Ce projet s'inscrit dans une démarche globale de revalorisation de tous les connexes issus de la production engagée par le groupe il y a plusieurs années, et que nous souhaitons aujourd'hui développer, tout en répondant à une demande des particuliers pour un chauffage domestique plus écologique et économique.
C’est totalement nouveau dans le Groupe Ducerf. Cette nouvelle ligne sera installée sur la fin du premier semestre avec l’objectif de lancer la production de ces bûchettes dans l’été 2023.
« Produire de l’énergie à partir de notre biomasse, c’est un sujet de premier plan »
Face à la crise énergétique, quelles sont les actions engagées par le Groupe Ducerf ?
Edouard Ducerf : Il y a naturellement des priorités qui ont changé. Prenez le sujet de la « cogénération » qui consiste à produire deux énergies, thermique et électrique, à partir de notre biomasse. Alors qu’il avait été évoqué il y a quelques années, il redevient un sujet de premier plan. Nous pourrions ainsi grâce aux connexes issus de la transformation de nos bois (sciure, copeaux et rognes), produire 200% des besoins en consommation du site de Vendenesse-lès-Charolles et distribuer l’autre moitié au réseau EDF. En ce qui concerne l’alimentation de notre chaudière et des séchoirs, nous pourrions couvrir 100% des besoins thermiques.
Ce projet apparaît d’autant plus pertinent que nous avons un vrai rôle à jouer pour diminuer notre impact carbone et cela va devenir un enjeu économique de plus en plus important et c’est bien normal. En tout, il s’agira d’un investissement global d’environ 15 millions d’euros, qui, nous l’espérons, verra le jour au plus tôt en 2026.
Thibault Chastagnier : Ce beau projet s’inscrit dans le cadre de la transition énergétique, accompagnée par les pouvoirs publics. L’ADEME, l’agence de la transition écologique, nous permet de candidater à l’appel à projets intitulé « Biomasse chaleur pour l’industrie du bois » qui encourage les industriels de la filière à investir dans ce genre de structure de production d’électricité. Nous espérons donc pouvoir bénéficier d’une subvention conséquente pour mettre en place le projet. C’est une démarche vertueuse sur le plan écologique comme sur le plan économique.
Envisagez-vous aussi de produire de l’énergie solaire photovoltaïque ?
Jean-Marie Ducerf : C’est un autre projet important, avec la construction à venir d’un bâtiment neuf pour le stockage de nos productions de scierie. L’idée est de disposer sur son toit d’une centrale électrique d’environ 200 kW. Cela nous permettra de produire 10 à 12% du besoin électrique du site. Actuellement, nous étudions les contraintes associées à ce type de bâtiment, pour qu’il puisse être fonctionnel, nous l’espérons, d’ici à l’été 2024.
D’autres développements sont-ils prévus à court terme pour les activités de seconde transformation ?
Thibault Chastagnier : Oui. Nous souhaitons investir dans une nouvelle ligne de débit. Cela signifie que nous nous doterions d’un nouveau bâtiment d’au moins 4 000 m2, une nouvelle structure qui nous permettrait de mieux valoriser la matière sciée. Avoir recours aux systèmes d’intelligence artificielle nous permettrait d’optimiser aussi le délignage et le rognage. Cette matière supplémentaire nous servirait notamment à l’élaboration de produits aboutés. C’est un développement à structurer sur plusieurs années. Ce sont des technologies novatrices dans le feuillus que nous sommes en train de valider, des technologies déjà utilisées dans le résineux. Là encore, c’est un projet de plusieurs millions d’euros sur 3 ans. Une fois la phase d’étude validée, nous souhaitons pouvoir le lancer en 2024.
Est-ce que tous ces projets vont impliquer de scier plus de bois ?
Jean-Marie Ducerf : Oui mais modérément, et il faudra surtout mieux scier pour obtenir un meilleur rendement. D’autres investissements vont nous aider à assurer la rentabilité de cette ligne de débit. Nous aurons besoin de machines plus productives comme une nouvelle ligne d’écorçage.
En tout, à combien se porteront vos investissements à l’horizon 2028 ?
Edouard Ducerf : Si l’on prend l’ensemble de ces projets, le Groupe Ducerf prévoit d’investir entre 10 et 20 millions d’euros dans les 5 prochaines années. Nous sommes un acteur majeur de la transformation du bois feuillu, et du chêne en particulier. Et nous avons cette volonté de rester, via nos investissements, l’un des acteurs importants sur l’échiquier national.
« Développer des produits à forte valeur ajoutée »
Maîtriser la chaîne de production, innover, relever les défis énergétiques… Cette vision vous permet-elle de préparer l’avenir sereinement ?
Edouard Ducerf : Totalement. A travers ces investissements engagés nous cherchons à développer des produits techniquement plus avancés. Le contexte nous y pousse. Au niveau mondial, les besoins en bois sont croissants, que ce soit dans la construction ou l’agencement. A l’avenir, il sera donc nécessaire d’avoir la ressource et savoir la transformer. De plus, le marché de la construction est en pleine évolution avec l’arrivée de la RE2020 et l’obligation d’utiliser une quantité importante de matériaux biosourcés. Il y a donc de belles opportunités à saisir pour le bois feuillu. Car jusqu’ici, le chêne était très peu utilisé en structure. Nous l’avons identifié comme un axe de développement pour le groupe. La presse que nous sommes en train d’acquérir permettra d’y répondre. Notre vision stratégique est d’aller chercher de la valeur ajoutée dans la transformation des produits. Et toujours avec ambition !