Robert Collet, campus Arts et Métiers de Cluny : « un mur expérimental pour observer le vieillissement des bois naturels ou traités, en temps réel »
Depuis novembre 2017, la façade ouest de la Halle bois du campus de l’Ecole Nationale Supérieure Arts et Métiers de Cluny présente un profil original. Sur une surface de plus de 300 m2, elle est recouverte de 69 panneaux de bardage amovibles. Un assemblage de lames de bois de toutes les essences, avec différents traitements et différentes finitions. Objectif : observer le vieillissement du matériau. Ce projet a pu se matérialiser grâce au mécénat du groupe Ducerf qui s’est investi dans le projet. Rencontre avec Robert Collet, le responsable de l’équipe bois du LaBoMap du campus de Cluny…
Quelle est la genèse de ce projet du mur expérimental ?
Robert Collet : Il s’agit en réalité de l’aboutissement d’un projet global. Pour faire face au développement des activités bois d’Arts et Métiers, nous avons fait réaliser une extension de 1000 m². Il s’agit d’une halle bois qui est cohérente avec nos activités de valorisation des bois locaux. Nous nous intéressons en particulier aux feuillus de qualité secondaire et aux bois à croissance rapide comme le douglas, qui ont une importance au niveau économique et qui apportent des solutions techniques. Ce mur expérimental était donc le dernier maillon de l’ensemble et il est un beau clin d’œil à ce que l’on fait.
Pourquoi avoir fait appel à Ducerf dans le cadre d’un mécénat ?
Robert Collet : Nous souhaitions trouver des possibilités d’apport de bois dans de bonnes conditions. Il se trouve qu’on a à Arts et Métiers une fondation qui nous permet de bénéficier de mécénats. Cela a donc été naturel de se tourner vers le groupe Ducerf et ses entités. Ils étaient, compte tenu de leurs moyens et de leurs produits, capables de nous fournir des bois traités dans les petites quantités nécessaires. Ils ont donc accepté avec enthousiasme et nous ont fourni un appui technique notamment par le biais de Thibault Chastagnier. C’est la société I-Tech Bois qui a assuré la mise en œuvre. Il s’agit de 69 panneaux de bardage amovibles installés sur les 302 m² de façades. Ils sont composés chacun d’essences de bois et de traitements différents afin d'observer le vieillissement de la matière en temps réel.
Chêne, peuplier, frêne, douglas, mélèze et pin maritime…
Quelles sont les essences utilisées ?
Robert Collet : Il y a évidemment d’abord le chêne qui est connu pour sa qualité, sa durabilité naturelle et pour son duramen encore supérieur au douglas par exemple. Parmi les feuillus, on a également du peuplier qui n’est pas du tout durable, mais qui s’imprègne bien et qui a un très bon comportement lors du traitement thermique. On peut donc le revaloriser dans de très bonnes conditions. De même, on a le frêne, qu’on trouve un peu partout en France. Il a un comportement au traitement thermique meilleur que celui du chêne, en revanche, il est moins durable naturellement. Et puis nous avons les essences de résineux comme le douglas. C’est un bois apprécié en bardage avec son côté rose-orange. Ensuite, il y a du mélèze. Même s’il n’y en a pas tant que ça dans notre région, c’est l’essence un peu de référence, les gens savent que c’est un résineux durable naturellement. Pour des aptitudes en bardage, on parle de classe 3, ce sont des bois qui ont cette classe-là naturellement. Et puis un autre bois mis en avant : le pin maritime. Il est largement utilisé et connu. En Bourgogne, il est un peu éloigné de nous mais c’est un bois national. Il s’imprègne bien, et donc, se traite facilement.
Que cherchez-vous à observer avec ce mur expérimental ?
Robert Collet : Ce mur a une exposition ouest, donc il est en prise avec les éléments : le soleil contribue à oxyder les bois et la pluie a aussi un impact sur leur vieillissement. On va donc pouvoir analyser leur grisement, l’aspect naturel de certaines lamelles et surtout les différentes phases de décolorations. On va également pouvoir voir les produits de finition qui permettent de donner au bois une couleur pratiquement identique à celle qu’il aura dans le temps. Enfin sur cette façade, on peut aussi vérifier le comportement en termes de durabilité : délitement, apparition de champignons, etc.
Bon comportement des bois traités thermiquement
Le mur a été monté en novembre dernier, quelles sont vos premières observations ?
Robert Collet : Au niveau esthétique, on voit que la pluie agit directement sur la prise de teinte et on commence aussi à voir des bois où il y a une discoloration liée à l’exposition. Les bois qu’on a pré-grisés et auxquels on a mis un produit de finition restent homogènes. Sinon, nous constatons bien le comportement des bois et le fait que certains ont un rendu plus intéressant et plus apprécié par le public. Enfin, d’un point de vue stabilité dimensionnelle et comportement mécanique, tous ces bois, qui avaient été choisis soit pour leur durabilité naturelle, soit avec un produit de traitement thermique, on a un comportement qui répond bien à ce qu’on attendait.
Le grand public peut-il aussi venir constater ces évolutions ?
Robert Collet : Les gens qui viennent nous voir ne sont pas nombreux, mais l’abbaye voisine, qui accueille plus de 100 000 visiteurs chaque année, a une allée transformée en arboretum donnant directement sur le mur expérimental. L’idée est d’y installer une signalétique avec, par exemple, un QR code qui permettra de retrouver sur le site toutes les essences et tous les types de finition et de traitement, panneau par panneau. L’objectif est de sensibiliser le visiteur.
« Un projet qui doit vivre longtemps car ce sont des bois durables »
Et évidemment, ce projet va jouer un vrai rôle pédagogique auprès de vos étudiants…
Robert Collet : A travers les cours théoriques et pratiques, on leur explique que le bois est un super matériau, mais qu’il faut savoir mettre en œuvre. Là, on a un site très intéressant pour leur montrer que le bois a des comportements différents dans le temps, d’en mesurer les propriétés mécaniques et physiques. De manière générale, les étudiants ont une belle image de ce matériau. Et ce sont des expériences de ce type qui nous permettent de les orienter vers des connaissances sur le dimensionnement et sur la construction, qui représentent le plus gros des volumes du bois.
Combien de temps doit durer l’expérimentation ?
Robert Collet : Ce bâti-là est parti pour vivre longtemps car ce sont des bois qui sont durables en terme d’intégrité. D’ici quelques années, tous les panneaux vont devenir de plus en plus homogènes et on aura du mal à remarquer les différences. Mais l’idée pour le moment, c’est de ne rien faire. S’il y a des comportements mécaniques qui se passent mal, on remplacera les lamelles. Elles sont de toute façon vissées démontables et les panneaux viennent juste s’accrocher. Tout est interchangeable facilement si on veut tester d’autres essences. On est donc sur un projet au long cours assez passionnant !