Florence Perrucaud, l’export Ducerf : « être visionnaire et ne pas dépendre d’un seul marché »
C’est le symbole de l’esprit de conquête de Ducerf. Depuis plus de 30 ans, le groupe est habité par la volonté permanente de s’ouvrir à de nouveaux marchés : l’Europe, la Chine, l’Inde… Une politique qui porte ses fruits car 50% du chiffre d’affaires du groupe est réalisé aujourd’hui à l’export. Mais cette politique impose une connaissance pointue des marchés et un savoir-faire administratif à toutes épreuves ! Illustration avec Florence Perrucaud, la directrice Import-Export du groupe Ducerf…
Pouvez-vous présenter l’équipe export du groupe Ducerf ?
Florence Perrucaud : La première chose à dire, c’est que nous sommes une équipe très soudée, avec de la compétence et de l’expérience. Et il en faut, car l’export représente aujourd’hui environ la moitié du chiffre d’affaires du groupe (65% en 1re transformation et 40% en 2e transformation) ! Au sein du département export, nous avons Chantal Jugnet, responsable de la 2e transformation, et Virginie Descharmes-Sfiligoï, qui est responsable de la 1re transformation. Elles travaillent pour le groupe depuis, respectivement, 29 et 13 ans et assurent toute la partie administrative qui demande une grosse organisation. Par exemple, Virginie gère les flux maritimes (environ 500 containers / an), un nombre très important de camions sur l’Europe, les documents relatifs aux exportations, mais également les offres et le back office commercial pour des clients répartis sur environ 50 pays. Moi, je travaille au sein du groupe depuis 28 ans et dirige l’import-export, je « décroche les contrats » et travaille avec la production pour les différents sites. Et nous avons été rejoints depuis quelques mois par une commerciale chinoise terrain et administratif, Manning Ding, qui s’occupe principalement du marché chinois. Il s’agit déjà de notre troisième collaboratrice chinoise. Il faut dire que Ducerf est l’une des premières sociétés, pour ne pas dire la première, à avoir développé les marchés asiatiques il y a 15 ans et posséder sa propre compétence en chinois.
2 nouveaux pays par an et une échéance à 5 ans
Justement comment parvenez-vous à percer sur ces marchés étrangers, souvent très concurrentiels ?Florence Perrucaud : Notre stratégie est d’être visionnaire et de ne pas dépendre d’un seul marché. Mais comme, évidemment, nous ne pouvons pas prospecter dans 50 nouveaux pays en même temps, nous nous donnons un objectif de 2 nouveaux pays par an avec un plan d’action et une échéance à 5 ans. Par exemple en Inde, un marché en lequel je crois beaucoup, j’investis, je fais un salon, je rencontre des acteurs locaux, sans avoir besoin de faire du développement pur et de réaliser du chiffre d’affaires immédiatement. On sait que pour pénétrer un nouveau marché, il faut au moins 2 ans de prospection. Cette patience nous permet d’avoir des résultats durables. C’est ce que nous avons fait en Chine. Les 2 premières années, nous n’avons pas ramené de commande parce que nous étions avant-gardistes, les premiers sur ce marché. Mais cela a fonctionné.
Et puis le fait de se diversifier nous permet d’amortir la fluctuation des niveaux d’activités, des taux de change, etc.
Comment identifiez-vous ces marchés à conquérir ?
Florence Perrucaud : Nous les sélectionnons en misant sur un potentiel. Par exemple, est-ce qu’il y a dans ce pays des activités développées, ou à venir, de fabrication de meubles, de parquet ou de restauration ? Est-ce qu’ils importent déjà beaucoup de bois durs des Etats-Unis ? C’est un indicateur fort sur les besoins en chêne. Spécifiquement sur cette essence, nous avons toujours notre carte à jouer, la ressource française étant l’une des plus importantes en Europe car la pérennité de la ressource en chêne en France est ultra motivante pour nos clients du Grand Export quant au choix de leurs fournisseurs.
Ducerf a été le premier à partir loin pour exporter
Et quels sont les marchés à fort potentiel ?
Florence Perrucaud : L’Inde donc. Même si le développement est assez lent parce que c’est un marché administrativement compliqué, compte tenu des coûts de main d’œuvre et du déplacement de la production mondiale dans tous les secteurs d’activité, le travail du bois fait partie des industries à fort potentiel là-bas. Ils ont d’ailleurs la particularité de ne vouloir que du bois massif.
On mise aussi sur d’autres pays d’Asie, sur l’Afrique du Nord, sur l’Australie, sur les Etats-Unis. Et puis en Europe, sur certains pays de l’Est.
Quels sont les points forts de Ducerf à l’export ?
Florence Perrucaud : C’est tout d’abord d’avoir été les premiers à partir loin pour exporter. Notre équipe a aujourd’hui l’expérience de la productivité administrative. Car c’est compliqué d’exporter des containers à travers le monde, tout en garantissant un service personnalisé à nos clients. Ensuite en terme de production, il faut être capable d’assurer un suivi en volume pour permettre à un industriel d’avoir une production régulière. Ducerf est capable d’assurer le volume et le suivi de la qualité, chose complexe dans le domaine du chêne. Tous ces atouts nous permettent d’être flexible et réactif dans le traitement des commandes entre l’offre et la livraison.
Ducerf reconnu parmi les acteurs importants
Y a-t-il une vraie reconnaissance à l’étranger du chêne français ?
Florence Perrucaud : Lorsque nous sommes arrivés en chine il y a 15 ans, c’était difficile parce que personne ne savait ce qu’était le chêne français. Depuis, avec le travail de fond des industriels et de l’association French Timber qui a permis de défricher des terrains vierges et de développer notre communication, la situation a changé et on sent une reconnaissance. Aujourd’hui avec internet, les réseaux sociaux, la mondialisation, l’information va beaucoup plus vite. Je pense qu’on est reconnu parmi les acteurs importants, car on a aussi beaucoup investi sur la formation des clients. Nous recevons des demandes du monde entier en permanence. Il faut en permanence se remettre en question, rester humble, s’adapter et être réactif.
Quel est le rôle de cette association French Timber, dont vous êtes vice-présidente ?
Florence Perrucaud : C’est une association qui dépend de la FNB (Fédération Nationale du Bois) et qui a pour but de promouvoir les bois français à l’étranger, tous secteurs confondus. French Timber a été créé il y a 17 ans notamment par Jacques Ducerf, qui a réussi à fédérer une équipe et a participé à 60 salons internationaux. Sur ces salons, l’association monte un pavillon réunissant plusieurs exposants, 1re ou 2e transformation, qui présentent différentes essences. Cela offre davantage de visibilité.
Au-delà de cette action, French Timber travaille sur des marchés inconnus en développement et en prospection. Elle développe des réseaux dans le monde entier. Et puis il y a aussi une activité sur les normes. Par exemple, aider et encourager les entreprises françaises pour obtenir la norme d’exportation vers un pays comme les Etats-Unis sans laquelle vous ne pouvez pas exporter…(telles que les normes aux USA dans le résineux ….)
French Timber permet également de fédérer l’interprofession, d’échanger, de s’améliorer et créer une dynamique collective de développement.
De l’ambition aux salons India Wood et Fensterbau Frontal
Vous vous envolez pour Bangalore en Inde afin de participer au salon India wood, un rendez-vous important de l’année…
Florence Perrucaud : Oui, India Wood c’est le salon le plus important en Inde. Il nous permet de voir tous nos clients, d’enregistrer des commandes et de continuer à développer nos nouveaux produits, comme ceux de 2e transformation. J’en profite également pour faire une tournée de mes interlocuteurs. Cela fait 4 ans qu’on est en prospection sur ce marché indien, c’est un peu long, mais il ne faut pas arrêter quand on y croit. On a suffisamment de commandes pour se dire que cela vaut le coup. Nous faisons quand même déjà 50% des parts de marché des exportations de chêne français selon les statistiques récemment communiquées par French Timber !
En 2018, l’effort au niveau des salons se porte aussi sur l’Allemagne avec le Fensterbau Frontal à Nuremberg fin mars…
Florence Perrucaud : Là c’est différent, il s’agit uniquement de la 2e transformation, car c’est LE salon mondial des fabricants de fenêtres ! Il draine une audience très professionnelle. Cette année nous allons avoir un plus grand stand pour mettre en avant nos carrelets chêne HDF. Il s’agit d’un produit innovant recouvert de panneaux en HDF (High density fiber board). L’avantage c’est son traitement de surface, il a une très belle finition et il répond aux normes Feu drastiques imposées en Suisse. Nous avons donc de l’ambition, car même si c’est à long terme, un salon, s’il est bien ciblé, apporte toujours des bénéfices.
On sent de la passion pour votre métier !
Florence Perrucaud : Oui, c’est un métier exigeant mais passionnant ! Il faut être curieux et avoir envie de s’adapter. Faire de l’export ça permet à l’entreprise de ne pas être vulnérable, de s’ouvrir à d’autres marchés. Du coup, c’est stimulant car la réussite dépend des équipes, de leurs qualités opérationnelles et surtout de leur réactivité. Et chez Ducerf, notre expérience nous permet de bien approcher ces marchés émergents, de les comprendre, c’est cela qui fait notre force ! Cependant rien n’est jamais acquis, à l’export aujourd’hui on vend 50 containers à un client et demain rien, il faut toujours se remettre en question je pense que c’est la particularité de l’export : être opportuniste mais réaliste…