Ducerf, acteur engagé pour valoriser les bois feuillus dans la construction
C’est le sens de l’histoire. Dans un secteur de la construction en pleine prise de conscience des enjeux environnementaux, le bois, matériau presque oublié pendant un siècle, connait un nouvel essor. Sa part progresse d’année en année. Mais aujourd’hui les trois-quarts des bois d’œuvre employés en France sont issus de résineux, souvent importés de l’étranger… Une aberration économique et écologique quand on sait que les espèces feuillues couvrent plus de 70 % des espaces boisés sur notre territoire. Face à cette tendance, les acteurs de l’industrie du bois feuillu, parmi lesquels le Groupe Ducerf, se mobilisent et innovent pour construire les solutions de demain.
« Chez Ducerf, comme pour l’ensemble des acteurs de la filière, nous sommes convaincus que si l’acier a été le matériau de construction du 19ème siècle, le béton celui du 20ème, le bois est celui qui va s’imposer durablement durant ce 21ème siècle… et bien au-delà ! » Cette prédiction, une forme d’engagement, est celle de Thibault Chastagnier, le Responsable du pôle seconde transformation du groupe. Elle fait écho à une dynamique globale du marché et à une prise de conscience de toute la chaîne, notamment des maîtres d’ouvrage qu’ils soient publics ou privés, professionnels ou particuliers. Et imaginer le bois, notamment les essences feuillues, redevenir un élément central de la construction n’est, finalement, qu’un retour à une norme qui s’est perpétuée pendant des siècles.
Les bois feuillus dans l’histoire de la construction
En effet, si l’on remonte aux temps les plus lointains de l’histoire humaine, les bois feuillus ont toujours tenu une place stratégique dans la construction des édifices. Le chêne et le châtaignier étaient les incontournables de toutes charpentes, même des plus monumentales. La plus connue au monde, l’impressionnante charpente de la cathédrale Notre-Dame de Paris, portait le surnom de « Forêt de Notre-Dame » car chacune des 600 poutres nécessaires à son édification provenait d’un chêne différent. Nous pouvons citer aussi la construction navale au rang des secteurs où les bois feuillus étaient indispensables.
Ainsi, jusqu’au 20ème siècle, l’utilisation de ces essences était la norme. L’irruption des deux guerres mondiales va bouleverser cet ordre établi. En France, pour rebâtir au plus vite les innombrables bâtiments détruits, des matériaux, dits « modernes », comme l’acier ou le béton vont être préférés au bois car, à l’époque, plus rapides à mettre en œuvre et moins chers à exploiter.
Mais aujourd’hui, après une ère d’industrialisation galopante et d’épuisement des ressources, la sensibilité environnementale impose de revoir les modèles établis de la construction. Depuis quelques années, les acteurs du secteur semblent redécouvrir les innombrables qualités du matériau bois et les innovations techniques des industriels lui permettent de faire un retour au premier plan pour des usages extrêmement modernes.
Bois feuillus ou bois résineux dans la construction ?
Chêne, frêne, châtaignier, peuplier, hêtre… les feuillus représentent aujourd’hui les trois quarts de la surface forestière française. Or, ces essences sont sous-exploitées, notamment dans la construction, où la part des sciages résineux s’élève à 85 %. Les résineux sont utilisés principalement pour la charpente, l'ossature, la menuiserie intérieure, alors que les bois feuillus sont actuellement plutôt destinés à des usages liés à l'aménagement intérieur, et à la menuiserie intérieure-extérieure. « La raison est avant tout celle des prix, explique Thibault Chastagnier. Les coûts de la matière première sur pied, d’exploitation en forêt et de transformation sont en faveur des résineux. Cette filière a su plus rapidement se structurer, s’industrialiser avec le développement d’outils qui permettent de caractériser mécaniquement chaque planche. Le bois feuillu ne bénéficie pas aujourd’hui des mêmes débouchés. »
Pourtant, au jeu des comparaisons, les feuillus n’ont rien à envier aux résineux, ce serait même plutôt l’inverse pour Julien Guénard, Responsable de production du pôle seconde transformation de Ducerf : « Les bois feuillus ont des caractéristiques mécaniques très intéressantes : ils sont généralement plus denses, ils possèdent une meilleure inertie thermique et de meilleures propriétés d’affaiblissement acoustiques. Ils sont également plus rigides et possèdent une contrainte à la rupture plus élevée. Enfin, comme pour le résineux, certaines essences sont naturellement durables pour être employées sans traitement à l’extérieur. Et j’ajoute qu’il y a une certaine noblesse des produits : sur un plan purement esthétique, le chêne est quand même reconnu comme une des plus belles essences européennes ! »
Un fort potentiel qui doit faire la différence
C’est pour modifier la tendance que le Plan feuillus a été lancé en 2012 par les pouvoirs publics avec le soutien de France Bois Forêt et du Codifab. Objectif : développer l’usage des feuillus dans la construction, notamment en favorisant la naissance de projets, en caractérisant les produits et en innovant industriellement, le bâtiment étant un secteur très normalisé.
« Pour tirer le plein potentiel des 10 millions de m3 annuels de la ressource feuillus en France, il y a effectivement un mouvement de la filière en faveur de la rationalisation des coûts de transformation, de l’industrialisation des process, du développement des solutions innovantes, et donc, des certifications qui consacrent ces nouveaux produits, détaille Thibault Chastagnier. C’est un travail que nous menons au quotidien au sein du groupe Ducerf. De nombreuses initiatives sont lancées pour mieux valoriser les feuillus et les rendre technologiquement et économiquement plus compatibles avec les exigences de la construction bois, et un certain nombre de projets de recherches sont en cours pour développer des produits techniques à haute performance en feuillus. »
CLT, BLC, THT… Les solutions du groupe Ducerf pour valoriser les bois feuillus
Depuis plusieurs années, nous sommes acteurs, en interne ou à travers des projets collectifs, dans le développement de techniques qui ont pour but d’améliorer les propriétés physiques de certains produits et la mise au point de produits d’ingénierie en feuillus, parmi lesquelles :
- Le traitement thermique par haute température, qui est la solution la plus naturelle et respectueuse de l’environnement (aucun produit de synthèse), permettant de modifier les propriétés physiques et esthétiques du bois, pour le rendre durable, résistant aux intempéries, aux insectes ou aux attaques fongiques. Cette technologie innovante ouvre de nouveaux champs d’applications pour les bois feuillus, le hêtre, le frêne et le peuplier notamment, et permet au Groupe Ducerf de proposer une gamme de parements extérieurs (terrasse ou bardages) tout en valorisant les essences de feuillus locales.
- D’autres techniques offrent la possibilité au groupe de se projeter sur des usages en construction : le recourt à l’aboutage, par exemple pour le platelage en chêne. Une étude finalisée en 2020 par FCBA (financée par France Bois Forêt et portée par la FNB) et à laquelle Ducerf a participé permet de valider la durabilité mécanique de l’aboutage dans des conditions extrêmes d’exposition (platelage extérieur). « Ces avancées sur la durée de vie des aboutages en extérieur permettront probablement dans les mois qui viennent de faire évoluer la norme et d’élargir notre offre terrasse en proposant des lames de grandes longueurs en chêne, tout en apportant aux maîtres d’œuvre des prescriptions de pose adaptées, précise Thibault Chastagnier.
- Parallèlement, Ducerf travaille depuis une dizaine d’années sur un projet de développement des usages du chêne de qualité secondaire dans la construction à travers la production de panneaux CLT (de l’anglais « Cross Laminated Timber » ou bois lamellé croisé). Un projet collectif porté par l’association Bois Croisés de Bourgogne. Selon Thibault Chastagnier, « plusieurs réalisations, et notamment la rénovation du lycée Camille du Gast de Chalon-sur-Saône, nous ont permis de démontrer qu’il était possible de produire et de mettre en œuvre de tels panneaux à partir d’une ressource locale et peu valorisée aujourd’hui. » Les études déjà menées ont permis de valider la faisabilité technique et économique de ce projet et d’en définir le procédé de fabrication. « Nous avons l’ambition de proposer ce nouveau produit aux marchés de la construction publique et privée (murs porteurs, cloisons, planchers). C’est pourquoi nous travaillons actuellement à l’obtention d’une ETN (Enquête Technique Nouvelle) qui apportera une première réponse aux exigences réglementaires sur l’emploi de nouveaux matériaux de construction. »
Par ailleurs, pour compléter son offre de charpente traditionnelle en chêne massif, le groupe Ducerf souhaite également étudier la possibilité de développer des poutres en lamellé collé à usage structurel.
« Sur tous ces projets, nous avons la chance d’être soutenus et de travailler en étroite collaboration avec des partenaires régionaux (le Conseil Régional, la DRAAF, La Banque des Territoires, l’ADEME, FIBOIS BFC, l’ENSAM de Cluny…) ainsi qu’avec des entreprises locales, c’est une approche en équipe très enrichissante à tous points de vue ! »
Vers une usine du futur des produits bois feuillus
Toujours dans le souci d’aller chercher les innovations pour rester compétitif, l’entreprise Ducerf a intégré à ses équipes un ingénieur doctorant de l’ENSAM : Benoit Besseau. Les travaux qu’il mène depuis 2 ans visent à développer, dans le cas particulier des essences feuillues (chêne, hêtre, frêne, …), une meilleure intégration des problématiques liées à la réalisation des produits finaux dès la première transformation et ainsi façonner « l’usine du futur ». Si les caractéristiques et l’intérêt suscité par le marché pour le matériau chêne ne font aucun doute, l’enjeu est d’arriver à réduire les coûts de production en optimisant le procédé et le rendement matière pour être suffisamment compétitifs vis-à-vis des produits similaires en résineux. Car le coût reste un avantage important pour le consommateur.
De matériau du passé, le bois est devenu matériau du futur : esthétique, résistant, innovant et écologique. Contribuer à valoriser toujours plus les bois présents en grande quantité dans nos forêts locales, ceux provenant de feuillus, c’est saisir une opportunité en or pour l’industrie du bois et notre économie, qui permettrait par la même de réduire drastiquement nos émissions de carbone. À l’heure du changement climatique, c’est probablement pour cette raison que le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a identifié la filière forêt-bois française comme étant « l’un des piliers incontournables de la croissance verte. »